Ghys Fortuné BEMBA DOMBE
PARLONS-EN. Plusieurs figures emblématiques congolaises meurent à l’étranger. Le dernier en date est le Dr Lounana Kouta qui s’en est allé malgré son évacuation sanitaire. C’est la preuve de la dégradation de l’ensemble des structures administratives, économiques, sanitaires et sécuritaires qui entrent dans le coma dépassé.
Les décès des hautes personnalités congolaises se succèdent à l’étranger, redoutant sans nul doute des structures délabrées mais aussi de croiser des pseudos médecins qu’ils ont fabriqués eux-mêmes dans une sélection ethno-tribale depuis la « victoire de 1997 » et dont tous paient le prix fort aujourd’hui. Mais qu’importe le flacon, seule compte l’ivresse, n’est-ce pas ? C’est cette ivresse qui culmine actuellement à une perversion narcissique, enfonçant le pays dans le neuvième enfer que Dante décrit dans son ouvrage « La Divine comédie ».
Des investissements aux nominations sans impacts
En 2013, le ministre délégué général des Grands Travaux, Jean-Jacques Bouya (JJB), avait sélectionné le cabinet ENIA Architectes pour la réforme-restructuration du Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville (CHUB) devenu inadapté et vétuste depuis plus de vingt ans. Le programme architectural fixe à 54 M€ HT (35,42 milliards de FCFA) la réhabilitation et l’extension du centre hospitalier universitaire (pour 550 lits supplémentaires) : pôle femme-mère-enfant (pôle ambulatoire + hospitalisation, 150 lits) ; pôle neurologie tête-cou (pôle ambulatoire + hospitalisation, 100 lits) ; pôle chirurgie générale et locomoteur (pôle ambulatoire + hospitalisation, 208 lits) ; pôle médecine générale (pôle ambulatoire + hospitalisation, 96 lits) ; plateau médico-technique ; pôles logistique médicale (pharmacie, laboratoire et stérilisation) ; Pôle Énergie et Logistique (Cuisine, Lingerie, Maintenance/Exploitation) et Pôle administratif.
Le consensus laissé par les rares sommités reconnues internationalement de la médecine congolaise, telles que les professeurs Assori Itoua Ngamporo, Christophe Mbouramoué ou Armand Moyikoua avait déjà alerté il y a plus de 20 ans que les évacuations sanitaires étaient une grosse illusion. En cas de réelle urgence médicale, aucun avion ne pourrait sauver personne. Il était donc impérieux de disposer en local du matériel et des compétences susceptibles de concourir aux premiers soins d’urgence et de stabilisation, avant d’envisager une évacuation sanitaire, uniquement pour les pathologies extrêmes. Le Pr Georges Moyen, alors ministre de la Santé en 2013, pédiatre formé à Dakar (Sénégal), abondait dans le même sens, mais c’était sans compter les sicaires du Congo tapis dans l’ombre médicale.
Leur premier dessein après l’éviction de Georges Moyen a été de le remplacer par François Ibovi qui n’avait pas les cartes en mains. Celui-ci, quoique dépassé par la tâche, aura malgré tout refusé de suivre les errements du duo infernal JJB – Gilbert Ondongo (GO) qui voyaient dans cette restauration du CHUB une énième terre promise financière et politique via Jacqueline Lydia Mikolo-Kinzonzi qu’ils vont propulser ministre de la Santé. Le seul mérite de cette dernière, c’est d’être prêtresse dans la loge, coordonnatrice des marchés publics et de la réglementation au ministère des Grands travaux qui sera cité plus tard dans plusieurs scandales et détournements. D’emblée, elle dissout la Congolaise des médicaments essentiels et génériques (COMEG), dont les dysfonctionnements auraient causé des ruptures dans l’approvisionnement des antirétroviraux selon elle. Cela est d’autant plus faux qu’elle enterrera en réalité le scandale de l’achat de vrai-faux ARV que la CID connaît bien (9000 morts dans la file active de traitement du VIH/SIDA en 2015), réalisé par Ange Aimé Wilfrid Bininga, Directeur des affaires financières du Ministère de la Santé, depuis la CENAMES en 2009.
Le remplacement de la COMEG en juin 2017 par la Centrale d’achat des médicaments essentiels et des produits de santé (CAMEPS), dont le PCA choisi est le Pr Antoine Abena, réel sicaire de la fonction pseudo biochimique de la médecine, a aggravé la situation et tente de dissimuler les réels protagonistes de ces affaires.
La refonte du CHUB initiée sous ses auspices tombait à pic pour Mikolo qui, successivement, s’était défaite de Gisèle Marie Gabrielle Ambiéro Allianzi, de Sylvain Villiard et enfin de Denis Bernard Raiche qui ont pourtant essayé de démanteler les filières mafieuses qui gangrènent le CHUB. Leurs prédécesseurs, le Colonel Ignace Ngakala et Bernard Ovoulaka, premiers DG contributeurs à la malversation financière et à la corruption, ont, en l’absence de toute poursuite judiciaire, tranquillement versé dans le détournement des fonds alloués au CHUB et se la coulent douce. Mikolo a poursuivi son pillage par les détournements des budgets COVID de la Banque mondiale, et sans coup férir, en décembre 2016, (tout en dénonçant des « circuits mafieux ! ») jusqu’à être cité dans les affaires du FIGA.
Des évacuations sanitaires budgétivores appauvrissantes
Pourtant portés au pinacle par Lydia Mikolo et le Pr Richard Bileckot, inspecteur général de la santé, l’équipe canadienne a jeté l’éponge en 2021, plongeant M. Sassou et le gouvernement Makosso I dans un embarras sans précédent. L’Évolution des dépenses courantes de santé (2018-2024) du secteur de la santé a connu une augmentation notable. En 2018 (144 milliards) ; 2019 (192,3 milliards) ; 2020 (229,9 milliards) ; 2022 (168 milliards) ; 2023 (201 milliards) ; 2024 (206 milliards) ; 2025 (212 milliards). Malgré cette augmentation en valeur absolue, la proportion du budget national allouée à la santé est restée inférieure aux 15 % recommandés par la Déclaration d’Abuja : 2018 (11 %) ; 2019 (8 %) ; 2020 (9 %). Pire, le taux d’exécution des budgets alloués à la santé a varié au cours des années précédentes : 2018 (43 %) ; 2019 (54 %) ; 2020 (82 %) ; 2021 (124 %). Ces variations suggèrent des défis majeurs et des améliorations nécessaires dans la capacité à utiliser efficacement les fonds alloués au secteur de la santé.
L’audit des années 2013, 2014 et 2015 du CHU réalisé par le cabinet CACOGES de l’expert-comptable Brice Voltaire Etou, très proche de M. Sassou, révélait que seulement 7 % des 1,5 milliard de FCFA représentant la subvention d’équilibre accordée trimestriellement par l’État étaient utilisés pour l’achat des médicaments, des réactifs, des consommables ou encore dans la radiologie et l’entretien de l’équipement. Le reste partait dans des dépenses « contre-productives ». Ledit rapport soulignait la gestion opaque d’une structure fonctionnant dans l’oralité, sans reddition de comptes. Dans le même temps, les travaux annoncés en 2013 par la DGGT ont été financés par plusieurs institutions.
En 2016, l’Agence Française de Développement (AFD) a débloqué 6,5 milliards de FCFA alloués à la rénovation des installations sanitaires, incluant les toilettes, les conduites d’eau, les réservoirs et les systèmes de lutte contre les incendies. A son tour, la Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale (BDEAC), en 2020, a investi pour 12 milliards de FCFA qui auraient dû permettre la réhabilitation des bâtiments, la modernisation des services de radiologie, de stérilisation, des maladies infectieuses, du laboratoire de psychiatrie, ainsi que l’acquisition d’équipements médicaux.
A ces investissements s’ajoutent les fonds propres spéciaux du CHUB, 300 millions de FCFA, restés sans suite depuis, malgré la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale en mars 2023. Ces Fonds devaient servir à la rénovation de la buanderie, la pharmacie et la centrale d’oxygène.
Selon le journal http://lesnouvellesdafrique.info du 18/06/2024, les dépenses d’évacuations sanitaires ont presque égalé l’ensemble du budget de la santé, soit 192 milliards de FCFA pour la seule année 2019. Ceci explique en quoi les évacuations sont une réelle manne pour de nombreux médecins. Albert Ngatsé Oko, Bienvenu Victor Kouama et certains représentants des travailleurs adversaires farouches à la solution canadienne prônée par le tandem Mikolo-Biléko. Selon une fiche envoyée à M. Sassou, la vive altercation par réseaux sociaux interposés entre les Pr Richard Biléko et Jean Bernard Nkoua-Mbon à propos de la gestion du CHU de Brazzaville s’explique simplement par le partage du butin en mafia. Le Pr Thierry Raoul Alexis Gombet, sorti de sa retraite pour revenir diriger le CHUB a d’ailleurs été pris la main dans le sac, mais pas sanctionné à la CID. Raison évoquée : de Mouabé Ndinga Oba est libre de ses mouvements alors qu’elle a smatché plus d’un milliard de fcfa, contrairement à madame Ngouolondélé et Alain Roux qui ont réalisé quelques travaux.
Pas de rédemption pour les pauvres
Pour les plus pauvres des Congolais, c’est la croix et la bannière. Ils doivent accepter la mort en silence. Le taux de mortalité au CHUB est de 9 %, soit trois fois plus que les normes internationales. Chose inimaginable mais réelle, les consultations de spécialité sont délivrées uniquement en privé, contre 15 à 25 000 FCFA, dans une vaste privatisation de la santé, alors que tous les médecins ont été formés gratuitement, grâce aux seules et uniques ressources de l’État. Au lieu de 960 consultations par an telles que prévues par les autorités, les médecins du CHUB ne font en moyenne que 400 par an, soit 2 malades par semaine ! Payés 3,5 millions/mois, ce ne sont pas les Canadiens qui ont détruit le CHUB, loin s’en faut ! L’appui supplémentaire de 1,5 milliard dégagé pendant la coopération avec USI Canada avait été réparti à 47 % pour les charges des consultants canadiens et 53 % dans le fonds de réhabilitation. Tout cela est parti en fumée…
Des scandales scientifiques à la souffrance des agents de santé
Lorsque la fille du Pr Mbouramoué, Mme Valérie, a été « Gbassé » par qui on sait pendant sa formation à l’INSSA, pour des raisons de défi du vice à la vertu, la candidature du futur Sérénissime du GOLAC avait pourtant été blackboulée. Cela signifiait une sortie définitive sans possibilités de retour. Pourtant, il en aura été autrement avec le recours des marchands du temple de l’orient de Dakar, conduits par deux maîtres congolais, zélateurs de l’ethnocentrisme à ce moment-là, et qui se reconnaîtront ici. L’ingratitude la plus crasse aura été leur salaire bien plus tard. Idem quand ce même « Sérré » a tenté, avec son fidèle second surveillant cité plus haut, un assaut pénétrant sur « Coco » au prétexte de la bombarder « Maîtresse » en une seule journée de trois tenues !!! Mis au parfum, son père, par ailleurs, n’a rien dit ouvertement, mais n’en pense pas moins. Sans doute la raison pour laquelle ce « Sérré » ne sera jamais ministre de la Santé…
Toutes ces choses, mises bout à bout, expliquent une bonne partie de la faillite du système médical congolais que se disputent les francs maçons devant les assistants chrétiens. La première promotion de l’INSSSA est plus ou moins une catastrophe pour le Congo, car elle est actuellement la principale responsable de la situation. Les titres de professeur en médecine sans certification de recherches réelles en biologie et biochimie expliquent ces formations au rabais. Les fameuses thèses (d’exercice professionnel et non de doctorat) sont uniquement « statistiques » et « cliniques » au lieu d’être biologiques, biochimiques et biophysiques, faute de recours aux professeurs en biochimie, génétique, biologie appliquée, etc., qui sont pourtant présents à la faculté des sciences. Un scandale scientifique sans précédent qui explique la poursuite de la dérive. Les rares vrais professeurs restés fidèles à leurs métiers et à leurs déontologies ont été mis sur la touche, vilipendés en raison de leurs origines ethno-tribales dites du « sud » ! Chose d’autant plus incroyable que les premiers patrons en médecine étaient bien souvent des « sudistes » qui ont cédé le flambeau sans crier au loup aux générations choisies selon des critères ethno-tribaux. Les titres sont donc volés au CAMES, sans vergogne, détruisant la réputation et la compétence de tous les suivants. Une hécatombe sans nom et sans fin, car le système voué à lui-même est désormais programmé pour se perpétuer à l’infini.
La misère des professionnels de santé et la gabegie
Accuser le niveau de formation et de qualification des médecins qui va decrescendo est une chose, mais encore faut-il reconnaître qu’ils ne perçoivent pas leurs revenus régulièrement pour certains et aucunement pour d’autres. La santé n’a pas de prix. Elle doit être l’une des priorités d’un pays qui aspire à l’émergence. Quand la population est malade et ne peut pas se soigner convenablement, le pays n’avance pas. Dans tous les pays, il y a des priorités. Au moment où le système de santé est à l’agonie, était-ce futé de célébrer à coup de milliards la journée du 8 mars à Djambala ? Est-ce vraiment les Congolaises qui ont profité de cette célébration ou une classe de privilégiés ? Nous ne sommes pas misogynes, ce que nous affirmons, les citoyens lambda le partagent. S’il fallait consulter les populations pour choisir entre la célébration de fêtes à coups de milliards ou la réhabilitation des hôpitaux, le résultat serait sans appel. A ce jour, la situation des hôpitaux est connue… Les descentes du mafieux Rosaire Ibara pour des prétendus états des lieux seraient donc un prétexte pour se faire des poches comme d’habitude. Doit-on condamner les grèves ou les étouffer au nom d’une pseudo-paix ? Les réponses, nous les avons !
Ghys Fortuné BEMBA DOMBE