La refondation du système électoral frauduleux à l’œuvre depuis 2002

Tribune 1 :  La refondation du système électoral frauduleux à l’œuvre depuis 2002

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ALLIANCE POUR LA REPUBLIQUE
ET LA DEMOCRATIE
A.R.D
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Brazzaville
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Tribune n°1
Congo-Brazzaville. La refondation du système électoral
frauduleux à l’œuvre depuis 2002

La pratique électorale en Afrique au Sud du Sahara a montré que les élections mal organisées et truquées sont devenues de nos jours, la cause principale des conflits socio-politiques qui déchirent l’Afrique, comme l’attestent les exemples tragiques du Congo-Brazzaville (1997 et 2016), du Kenya (2007), du Zimbabwe (2008), du Niger (2009), de la Côte-d’Ivoire (2010),
de la Guinée-Conakry (2011 et 2020), de la RDC (2011 et 2019), du Burundi (2013), du Gabon (2016), du Cameroun (2019).
On le sait, toute bonne élection requiert des règles de base claires et impartiales. Au Congo Brazzaville, l’article 17 de la loi n° 5-2007 du 23 mai 2007 dispose : « Il est créé une Commission nationale d’organisation des élections, (Conel). La Conel est un organe indépendant, doté de l’autonomie financière.

Elle a pour missions d’organiser les élections, d’en garantir la transparence et la régularité ». Paradoxalement, l’article 15 de la loi n° 9-2012 du 23 mai 2012 stipule : « La préparation des élections relève de la compétence du ministre chargé des élections. Le suivi et le contrôle des actes préparatoires exécutés par l’adminis-tration incombent à la Conel ». Dans le même esprit, l’article 16 de cette loi dispose : (…) Les actes préparatoires sont accomplis par l’administration sous l’autorité du ministre en charge des élections. Au niveau de chaque département, ils sont coordonnés et accomplis sous l’autorité du préfet du département. Au niveau des districts et arrondissements, les actes préparatoires sont accomplis sous l’autorité des préfets de département, par les sous-préfets  les maires d’arrondissement et les autorités administratives qui leurs sont subordonnées (…). Comme on peut le constater, si l’article 17 de la loi n° 5-2007 du 23 mai 2007 énonce que la Conel est un organe indépendant et qu’elle a pour missions d’organiser les élections, d’en garantir la transparence et la régularité, par contre, les articles 15 et 16 de cette loi retirent de fait à la Conel, ses prérogatives en matière d’organisation des élections.

Désormais, c’est le ministre en charge des élections, aidé par son administration partisane qui organise les élections en lieu et place de la Conel qui est ravalée au rang de figurant et de faire-valoir. A ce sujet, répondant à une question d’un journaliste sur la nature des relations qui lient la Conel et la Direction générale des affaires électorales, monsieur Ivoundou, alors  DGAE répondait : « Pour employer une métaphore culinaire, je dirai : nous préparons les mets, la Conel vient manger ».
La Conel n’a d’indépendance que le nom. Dans les faits, elle est une coquille vide et fait de la figuration dans la gestion du processus électoral. En ce qui concerne sa composition, la Conel est composée quasi exclusivement de représentants de la mouvance présidentielle, de ses  alliés et de ses complices. Les représentants de l’opposition réelle et ceux des vraies organisations de la société civile en sont totalement exclus. Quant au fichier électoral de base, il est taillé sur mesure par et pour le pouvoir. Il contient de nombreux électeurs fictifs, des enfants de moins de 18 ans, des noms de personnes décédées, des noms de localités aujourd’hui disparues, des noms de nombreux étrangers (Congolais de la RDC, Tchadiens,
Centrafricains, Rwandais, Camerounais, etc.).

Le pouvoir gonfle artificiellement le nombre des habitants des localités qui lui sont favorables et minore le nombre des habitants des localités qui lui sont défavorables. De plus, il s’oppose systématiquement à la réalisation comme en 1992, d’un recensement administratif spécial par la mouvance présidentielle et la mouvance oppositionnelle, pour déterminer ensemble un corps électoral consensuel, reflétant la démographie réelle de chaque circonscription administrative. Il privilégie le mécanisme de la révision extraordinaire des listes électorales, opération qu’il réalise du reste à huis-clos avec ses partisans, ses alliés et ses complices, en excluant totalement les représentants de la vraie opposition, ce, pour élaborer un corps
électoral frauduleux au profit du pouvoir. Il faut encore souligner avec force que le découpage électoral au Congo ne tient pas compte du nombre réel des habitants de chaque circonscription administrative, mais obéit aux intérêts électoraux du pouvoir. Il est partial, arbitraire et injuste. Par exemple, les districts d’Ollombo et de Mvouti qui ont une population d’environ 19 mille habitants pour le premier et de 15 mille pour le second, ont chacun deux circonscriptions électorales, tandis que le district de
Madingou dont la population est évaluée à près de 70 mille habitants n’a qu’une seule
circonscription électorale.

Il faut aussi signaler qu’à des fins de tricherie électorale, le pouvoir a institué le vote anticipé pour les électeurs des Forces armées congolaises, sous le fallacieux prétexte que le jour du vote, ils seront affectés à la surveillance des élections et au maintien de l’ordre public. Du fait de cette situation pour le moins inédite, les militaires, les gendarmes et les policiers votent  deux fois pour une même élection. Il sied d’ajouter que les éléments de la Force publique affectés à la sécurisation des élections sont recrutés quasi-exclusivement, parmi les éléments de la garde républicaine (armée privée du chef de l’Etat), des milices privées du pouvoir (Cobras, Front 400, Tshambitso), des éléments des polices parallèles rattachés à certains  officiers, des supplétifs des armées étrangères installées au Congo qui se comportent en juges  et parties.

Enfin, l’affectation discriminée des subventions publiques aux partis politiques porte atteinte au principe de l’égalité des chances entre les acteurs politiques en compétition. En effet, la prise en charge par le pouvoir des dépenses de fonctionnement et des dépenses électorales des partis qui lui sont acquis, leur assure un flux important de recettes, tandis que les autres
formations politiques sont condamnées à l’autofinancement. Il faudra en finir avec cette  politique de « deux poids, deux mesures » ou de double standard et rétablir l’équilibre entre
les formations politiques qui s’affrontent lors des compétitions électorales.
On le voit, une machine infernale de fraude électorale massive est mise en place pour garantir au candidat du pouvoir, une victoire usurpée. La formule canonique est : « Je n’organise pas les élections pour les perdre ». Il est donc urgentissime de reformer en profondeur le système électoral mafieux à l’œuvre depuis 2002, en promouvant les mesures fortes ci-après :

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L’abrogation de la loi électorale scélérate actuelle et l’élaboration d’une nouvelle loi électorale, impartiale et impersonnelle ;
La mise en place d’une commission électorale nationale, véritablement indépendante, composée de façon égalitaire de représentants de la mouvance présidentielle et de ceux de la mouvance oppositionnelle, commission chargée d’organiser toutes les opérations pré-électorales, électorales et post-électorales ; La suppression des déséquilibres dans la composition des instances d’organisation des élections entre la mouvance présidentielle et la mouvance oppositionnelle et l’institution du principe de l’égalité en nombre des représentants de la mouvance présidentielle et de ceux de l’opposition dans la Conel et dans toutes les structures locales d’organisation des élections ; La participation équitable des représentants des partis politiques légalement constitués à toutes les phases du processus électoral, de l’amont à l’aval ; La dissolution de la Direction générale des Affaires électorales (DGAE), aujourd’hui érigée en véritable Commission d’organisation des élections au Congo, usurpant
ainsi les prérogatives de la Conel ; L’organisation d’accord-parties, comme en 1992, entre la mouvance présidentielle et
la mouvance oppositionnelle, d’un recensement administratif spécial, pour déterminer de façon consensuelle, un corps électoral fiable et des listes électorales honnêtes et crédibles ; L’introduction de la biométrie intégrale dans le processus d’identification des électeurs, dans le dessein d’éviter le vote multiple d’un même électeur ; La création d’un Comité national de certification des listes électorales, chargé de garantir la fiabilité du fichier électoral et des listes des électeurs ; L’acquisition d’accord-parties, d’un nouveau logiciel de traitement des données électorales et la gestion paritaire du fichier électoral informatisé par des experts de la
mouvance présidentielle et ceux de l’opposition. En cas de désaccords entre ces techniciens, la Conel peut faire appel à des experts indépendants ; L’élaboration et l’adoption d’un découpage électoral juste et impartial, adossé sur les
standards internationaux ; Le financement équitable et juste de la vie politique et des campagnes électorales, par
l’octroi d’une subvention appropriée à tous les partis politiques légalement constitués ; L’abrogation des taux exorbitants des cautionnements aux différentes élections nationales et leur fixation ainsi qu’il suit :

· 50.000 F CFA, par liste, pour les élections locales ;
· 100.000 F CFA, par candidat, pour les élections législatives et sénatoriales ;

· 5.000.000 F CFA, par candidat, pour l’élection présidentielle. –
Le plafonnement des dépenses électorales suivant le schéma ci-après :
· 1.000.000 F CFA par parti présentant des candidats pour l’élection des sénateurs ;
· 2.000.000 F CFA par liste, pour les élections locales ;
· 5.000.000 F CFA par candidat, pour les élections législatives ;
· 500.000.000 F CFA par candidat, pour l’élection présidentielle ;

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L’obligation pour chaque candidat d’avoir un compte de campagne et de respecter
strictement le plafond des dépenses électorales ;
La mise en place d’une Commission chargée de certifier la transparence des comptes
de campagne des candidats ; L’interdiction stricte pour tout candidat quel qu’il soit, d’utiliser les moyens de l’Etat (avions, hélicoptères, bateaux, hors-bords, véhicules automobiles de fonction,
chauffeurs des services publics) à des fins de transport pour campagne électorale ;
L’interdiction absolue de dons de toute nature en période préélectorale et électorale ;
L’interdiction absolue pour les préfets, les sous-préfets, les maires, les administrateurs maires, les chefs de quartier et de village, tenus au respect de la neutralité, d’être responsables ou membres des Commissions locales d’organisation des élections, comme cela est le cas dans le système électoral mafieux à l’œuvre depuis 2002 ;  La neutralité des agents de la Force publique affectés à la surveillance des élections ; L’interdiction stricte de tout élément d’une milice privée, d’une police parallèle ou de tout autre élément supplétif, étranger à l’armée congolaise de participer à la sécurisation des élections. Tout porteur d’armes de guerre n’appartenant pas aux effectifs des Forces armées congolaises (FAC), sera arrêté et traduit en justice ; La suppression du vote anticipé des militaires et du vote par procuration ; La mise en place d’un Comité arbitral indépendant, chargé de gérer le contentieux électoral, en lieu et place de la Cour constitutionnelle aux ordres du pouvoir ;La reconnaissance aux Congolais de la Diaspora, de leur droit d’être électeurs et de se
faire élire ;  Le libre exercice des activités des partis politiques et la garantie de la libre circulation
de tous les acteurs politiques sur toute l’étendue du territoire national, pour une égalité
des chances entre les acteurs de toutes les sensibilités politiques ;
L’accès égal de toutes les sensibilités politiques aux médias publics et privés, ainsi que l’égalité de traitement dans la couverture médiatique des campagnes électorales ;

La promulgation d’une loi rétablissant l’équilibre de l’information et règlementant l’expression pluraliste et contradictoire des opinions et des messages politiques sur les antennes nationales ;

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La garantie dans les faits de la liberté de pensée, d’opinion, de presse, de
communication, d’association, de réunion, de cortège et de manifestation ;
La neutralité de l’administration électorale ;
La protection équitable des candidats et des équipes de campagnes des candidats ;
La proclamation des résultats provisoires et leur affichage dans chaque bureau de vote ;
La remise aux représentants de chaque candidat dans les bureaux de vote, d’une copie des résultats provisoires, dûment signée par tous les membres du bureau de vote ;
La proclamation des résultats définitifs des élections par la Commission électorale
nationale indépendante et non pas par le ministre de l’Intérieur ;
La prise en charge réelle des représentants de tous les candidats dans les bureaux de
vote par l’Etat et non pas seulement ceux du PCT ;
L’implication de la Communauté internationale dans le processus électoral de l’amont
à l’aval ;
La répression sans complaisance de la fraude électorale, de la corruption, de l’achat
des consciences et des votes ;
La déchéance politique et l’inéligibilité pendant une période de 5 ans, pour tout
candidat pris en fragrant délit de fraude électorale, de corruption des électeurs et
d’achat des votes ;
L’interdiction formelle de tout recours à la violence sous toutes ses formes comme
moyen de résoudre les conflits politiques et la traduction devant les tribunaux de toute
personne prise en flagrant délit d’atteinte à la paix sociale et à la tranquillité publique
pendant les périodes pré-électorales et électorales.
L’exécution scrupuleuse de l’ensemble de ces mesures constitue un préalable à
l’organisation de toute élection nationale. Si l’Etat/PCT, enivré par sa toute-puissance et  sa suffisance, s’entête à refuser systématiquement de convoquer un vrai dialogue politique national inclusif, seule et unique bonne solution pour sortir le Congo de façon pacifique de la très grave crise actuelle, et s’il s’obstine à vouloir passer en force comme à son habitude, alors, les forces politiques, les groupements associatifs et les personnalités politiques indépendantes de l’Intérieur et de la Diaspora, seront invités à  prendre part, d’ici à fin juillet 2025, à un dialogue politique alternatif et souverain, pour élaborer de façon consensuelle, les conditions permissives d’une vraie élection présidentielle, au cours de laquelle, le peuple congolais choisira librement, celui ou celle  de ses fils et filles qu’il jugera le plus apte à œuvrer au redressement du Congo et à la promotion de son développent global, équitable et durable.

Si le pouvoir actuel s’oppose à cette belle perspective, les patriotes, les démocrates et les républicains congolais appelleront le peuple à prendre ses responsabilités, en se mobilisant massivement et en se mettant debout, comme les 13,14 et 15 août 1963, pour imposer le changement qualitatif que l’écrasante majorité des Congolais et des Congolaises appellent de leurs vœux, en vue d’une gouvernance démocratique, rationnelle, transparente, sociale et participative, aux fins de garantir à chaque
Congolais et à tous les Congolais, des jours heureux.

 

Fait à Brazzaville, le 17 avril 2025

Pour la Conférence des présidents

 

Mathias DZON

 

 

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