Lettre ouere à M. Parfait Iloki, Porte-parole du Parti Congolais du Travail (PCT)
Après Sassou : le PCT face au Jugement de l’Histoire

Monsieur Iloki,
Nous vous adressons cette lettre non pas par simple solidarité avec Jean-Jacques Serge Yhomby-Opango, parce que nous portons le même prénom “Serge”, mais parce que, comme nombre de nos compatriotes, nous avons réagi à sa récente déclaration. Une déclaration qui, loin d’être marginale, exprime une volonté largement partagée : celle de voir enfin la justice s’appliquer pour les crimes de sang, les crimes économiques et les crimes contre la démocratie perpétrés tout au long du règne de Denis Sassou Nguesso.
1. Entre confrères, le respect des rôles et la gravité des propos
Nous aurions pu, par familiarité, nous permettre de vous tutoyer. Après tout, vous êtes un ancien collègue passé par La Semaine Africaine pour y faire votre stage de journalisme ; un frère, un cadet. Mais votre prise de parole s’inscrivant dans l’exercice de vos fonctions officielles, nous choisissons de vous vouvoyer, par respect pour le rôle que vous incarnez.
Notre réaction à vos propos ne relève ni d’une querelle de personnes, ni d’une posture partisane. Elle s’inscrit dans cet appel profond que les Congolais ne cessent d’adresser, depuis trop longtemps, à ceux qui gouvernent ou qui cautionnent l’ordre établi: en finir avec l’impunité.
2. Le symbole du procès de Nuremberg : une exigence de justice
L’image du procès de Nuremberg, évoquée par M. Yhomby-Opango, n’a rien d’une lubie personnelle. Il s’agit d’un symbole fort, qui incarne le désir profond de justice partagé par des milliers – voire des millions – de Congolais. Ce désir est celui de voir les responsabilités établies, les crimes jugés, et la page de la terreur, du pillage et de l’impunité définitivement tournée.
3. Héritiers milliardaires et image-choc : la provocation salutaire ?
Ce qui semble vous avoir heurté, c’est la proposition de M. Yhomby-Opango d’étendre la sanction aux descendances des criminels. Sur ce point, nous comprenons votre indignation, mais nous tenons à rappeler qu’il s’exprimait par image, dans un pays où même les fœtus héritent déjà de fortunes colossales.
Et si nous poussions la réflexion plus loin : pourquoi ne pas demander, le moment venu, à ces enfants, une fois majeurs, d’expliquer l’origine de leur richesse ? Ne serait-ce pas là un simple exercice de transparence, dans une nation où des millions croupissent dans la misère pendant que certains naissent dans l’opulence la plus insolente, sans jamais avoir contribué à l’effort national ?
4. Justice sociale et avenir commun : sortir de l’impunité
Il est temps que la justice sociale et économique s’impose comme socle de notre vivre-ensemble. Ce n’est pas une revanche, c’est un impératif éthique. Les Congolais ne veulent plus survivre sous un régime d’héritiers privilégiés. Ils aspirent à un avenir fondé sur l’équité, la vérité, et la justice pour tous.
5. L’avertissement ignoré : vers quel avenir post-Sassou ?
Et, entre nous soit dit, M. Yhomby-Opango est resté mesuré. Nous vous invitons, si ce n’est déjà fait, à visionner l’intervention de M. Isidore Aya Tonga. Il y met en garde les cadres du PCT et les ressortissants mbochi sur les conséquences possibles d’un ressentiment populaire refoulé pendant des décennies.
Nous ne voulons pas en arriver là. Nous ne voulons pas que le sang congolais continue à couler. C’est pourquoi nous en appelons à la conscience de Denis Sassou Nguesso lui-même, ainsi qu’à celle des cadres du PCT — ceux qui ont encore le courage de lui dire qu’il est temps de partir.
Votre prochain congrès ordinaire pourrait être l’occasion historique d’amorcer cette rupture, si le PCT se considère encore comme un parti politique, et non comme une organisation clanique refermée sur elle-même.
6. L’après-Sassou : fin d’une immunité illusoire
Cher Iloki, devons-nous rappeler que la sécurité dont jouissent aujourd’hui certains cadres du PCT ne tient qu’à la personne de Denis Sassou Nguesso ? Or, il est, comme tout homme, mortel. Que se passera-t-il après lui ? Qu’adviendra-t-il de votre immunité lorsque tombera ce bouclier ?
Il serait irresponsable d’ignorer ces signaux d’alerte. C’est pourquoi nous vous exhortons, vous, vos collègues et vos camarades du PCT, à prendre toute la mesure du danger, non seulement pour vous, mais pour la nation tout entière.
Pourquoi ne pas inscrire à l’ordre du jour de votre prochain congrès extraordinaire deux points cruciaux :
La création d’un tribunal de type Nuremberg pour juger les crimes du régime ;
La présence inexplicable de militaires étrangers (rwandais, tchadiens, centrafricains) sur le sol congolais, alors même que nous ne sommes engagés dans aucun conflit.
Car leur présence, injustifiable, suggère que le goût du sang n’a pas encore quitté la langue de Denis Sassou Nguesso. Et cela, aucun Congolais épris de paix ne peut l’admettre.
7. L’heure du choix : justice ou chaos
Quoi qu’on dise ou qu’on tente d’empêcher, Denis Sassou Nguesso partira un jour. Et ce jour-là, ni vos discours, ni vos privilèges, ni vos immeubles ne suffiront à vous protéger. Vous ne pourrez pas dire : nous ne savions pas. Et surtout, vous ne pourrez pas accuser les Congolais d’être méchants. Ils n’en peuvent plus.
8. Le mirage du « bâtisseur » et la misère du pays réel
Nous n’allons pas ici discuter de l’étiquette de « bâtisseur » que vous attribuez au président Sassou Nguesso. Nous savons que, pour certains, le développement se limite à quelques immeubles modernes en centre-ville. Mais dans les profondeurs du pays réel, l’accès à l’eau potable, à l’électricité, à l’éducation, à la santé, au transport, à la sécurité alimentaire, à la régularité des salaires, des pensions et des bourses demeure un immense désert.
Autant de besoins essentiels laissés à l’abandon, révélateurs d’une misère entretenue et d’un État absent.
9. Un appel sans haine, mais ferme
Nous vous écrivons avec gravité, mais sans haine. Car la vérité doit être dite, et parce qu’il est encore temps — oui, il est encore temps — de choisir une autre voie : celle de la justice, de la réconciliation sincère, et d’un avenir fondé sur le droit, non sur la peur.
Veuillez recevoir, M. Iloki, nos salutations les plus respectueuses.
Serge Armand Zanzala, Écrivain, chercheur, citoyen engagé,
Directeur de La Société Littéraire, Initiateur du projet Kongo Ya Sika














































































































































































































































































































































































