Révolution Spontanée:

Raymond Zéphirin Mboulou, le fossoyeur silencieux du régime Sassou ?

Serge Armand Zanzala

Depuis plusieurs mois, les signaux faibles d’un basculement se multiplient autour du régime de Denis Sassou Nguesso. Mais en ce 10 juillet 2025, une ligne semble être franchie : celle d’un piège tendu par des acteurs internationaux — notamment la France — qui semblent désormais décidés à provoquer la “bêtise humaine” du président congolais pour précipiter sa chute.
Dans le lexique politique congolais, la bêtise humaine désigne un acte irréfléchi, souvent brutal ou maladroit, commis par un régime à bout de souffle, qui entraîne sa propre perte. Elle est généralement provoquée par la panique ou la sur-réaction. Or, aujourd’hui, tout semble être fait pour pousser Sassou Nguesso à commettre cette erreur fatale.
La stratégie de l’étouffement : créer les conditions du faux pas.
La mécanique est connue. Elle a été utilisée ailleurs, avec des variantes, contre Laurent Gbagbo, Blaise Compaoré ou encore Omar el-Béchir. Il s’agit de resserrer l’étau diplomatique, financier et judiciaire, tout en laissant croire au dirigeant ciblé qu’il garde encore le contrôle. Puis, au moment opportun, le pousser à réagir violemment — contre son peuple, contre un opposant, contre un ambassadeur ou un média — pour justifier un renversement, une arrestation, ou une intervention.
Au Congo-Brazzaville, les ingrédients de cette manœuvre sont désormais réunis :
Dossiers judiciaires français rouverts discrètement : l’affaire des biens mal acquis refait surface, avec une insistance nouvelle sur les circuits financiers de la famille présidentielle et les acquisitions immobilières à Paris, sur la Côte d’Azur et à Monaco.
Réactivation de l’affaire du Beach (1999) : considérée longtemps comme enterrée, cette affaire de crimes de guerre pourrait être exploitée à nouveau par certaines juridictions européennes si la situation politique dégénère.
Pressions croissantes des États-Unis, notamment par le biais de leurs agences de renseignement, qui considèrent désormais le Congo comme un État instable, vulnérable aux réseaux mafieux et potentiellement complice d’acteurs terroristes ou de trafics internationaux.
La décision du ministre de l’Intérieur : une provocation préméditée?
Dans ce contexte tendu, la décision du ministre de l’Intérieur, de la Décentralisation et du Développement Local, Raymond Zéphirin Mboulou, d’exclure sans justification certains partis politiques — notamment le Parti social-démocrate congolais (PSDC) de Clément Mierassa, le Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD) de Jean Jacques Serge Yhomby-Opango, et le parti Les Souverainistes d’Uphrem Dave Mafoula — ne semble pas anodine.
Cette mesure autoritaire s’inscrit dans une logique de provocation programmée, qui vise à resserrer encore davantage l’étau politique, à attiser la colère des exclus et du peuple à pousser le régime à commettre l’erreur de trop. À défaut d’éveil populaire massif, c’est le piège de l’excès de zèle répressif qui est actionné.
Nous avons lancé, depuis plusieurs mois, une “révolution spontanée” — celle qui se déclenche non par mot d’ordre politique, mais par une indignation collective, une prise de conscience morale. Mais hélas, les Congolais ne nous suivent pas encore, ne comprennent pas toujours notre langage.
La France veut-elle “terminer le dossier Sassou” avant la présidentielle de 2026 ?
À Paris, un courant de plus en plus influent au sein de la diplomatie — soutenu par certains milieux d’affaires et de la Défense — pousse pour “clôturer le chapitre Sassou” avant la recomposition géopolitique de l’Afrique centrale post-élections camerounaises. L’objectif : sécuriser les intérêts français au Congo en anticipant la transition, plutôt que de la subir.
Mais pour éviter une transition en douceur qui pourrait préserver certains réseaux du régime, il serait plus “efficace” de pousser Sassou Nguesso à commettre l’irréparable. Une arrestation arbitraire d’un opposant, une attaque contre une ambassade, un massacre ciblé, ou une sortie médiatique incendiaire suffiraient à déclencher les leviers judiciaires et politiques déjà en préparation.

Le piège de la paranoïa : le régime face à lui-même

En réalité, la plus grande faiblesse du régime Sassou Nguesso est sa propre peur. Depuis un an, la multiplication des purges internes, des surveillances croisées entre factions du PCT, et les suspicions au sein même de la famille présidentielle ont créé un climat de méfiance absolue. Ce climat est exploité par les puissances extérieures pour orienter la réaction du pouvoir vers l’erreur, en jouant sur sa paranoïa croissante.
Le risque est qu’un ordre malheureux soit donné : une arrestation brutale, une expulsion d’ambassadeur, une provocation ethnique… Ce serait alors le “point de bascule” attendu, à partir duquel les forces extérieures pourront affirmer que Sassou Nguesso constitue une menace pour la stabilité régionale, les droits humains, ou la sécurité internationale.
Et si la “bêtise humaine” venait aussi de l’extérieur ?
Toutefois, il faut garder une prudence stratégique. Car la manipulation de Sassou Nguesso pour obtenir sa chute comporte elle-même un risque : celui de plonger le Congo dans une guerre de succession incontrôlable. L’ethnicisation du pouvoir, la concentration des richesses, l’absence de transition préparée rendent le pays vulnérable à l’explosion.
Une “bêtise humaine”, oui — mais pas seulement du côté de Brazzaville. Elle pourrait aussi venir de Paris ou de Washington, si ces capitales choisissent de jouer le chaos pour mieux reconstruire ensuite.
Conclusion : Le piège se referme
Le 10 juillet 2025 pourrait rester dans les mémoires comme le moment où le piège s’est refermé. Le régime Sassou est aujourd’hui acculé, observé, isolé, et chaque faux pas est enregistré, analysé, prêt à être utilisé.
Ce qui est recherché, ce n’est pas une transition apaisée, mais une explosion maîtrisée, où la bêtise humaine du pouvoir ouvrira la voie à un changement brutal mais contrôlé.
Le problème, c’est qu’en politique congolaise, la bêtise humaine est rarement sans conséquences pour les peuples. Et ceux qui souffriront le plus d’un effondrement provoqué, ce ne sont ni les dignitaires du régime, ni leurs enfants installés à l’étranger, mais bien les populations congolaises, encore une fois prises en otage entre des jeux d’intérêts et des règlements de comptes d’élites.
Serge Armand Zanzala, Écrivain – Chercheur – Citoyen engagé, Directeur de Publication de La Société Littéraire, Promoteur du projet Kongo Ya Sika

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