Le clin d’œil de Gilbert GOMA

Scène macabre à Brazzaville : sur les traces d’un corps souillé, déshumanisée.

Gilbert GOMA
En ce jour, mardi 21 mai 2025, dans la chaleur moite de Brazzaville, ville résiliente, vivant dans l’espérance par-delà la crise protéiforme qui l’accable intrinsèquement, adossée au majestueux fleuve Congo, où les génies des eaux se rencontrent pour veiller à la quiétude de la population ou pour conjurer les mauvais esprits, gît un corps, abandonné avec mépris et cynisme, au quartier Poto-Poto, au bord de Maduku Tsiékelé (un cours d’eau traversant latéralement une partie de la ville de Brazzaville), et exposé à toutes formes d’agressions : chaleur, humidité, piqûres d’insectes ou morsures de serpents, etc.
Ce corps n’est plus un corps mais une souillure, un amas de chair, vidé de sa substance organique, mutilé de son humanité, transfiguré… Tel est le sort que lui a infligé ses bourreaux : ses compatriotes avec lesquels ils ont en commun le Congo comme héritage de leurs ancêtres. C’est pour ce pays, ce bien commun, que ce corps a été chosifié par un escadron de la mort, sûr de lui, distribuant à souhait larmes et douleur aux Congolais libres de leurs opinions, comme le dispose la constitution du pays.
Ce corps a été ravalé à la portion congrue d’un quelconque objet par les mains criminelles de ses bourreaux, dont la lâcheté n’a d’égale que leur inclination à s’attaquer, dans l’anonymat, aux mains nues, dévoilant ainsi leur incapacité d’assumer la cruauté qu’ils ont érigée en mode d’être et en étalon de la gloire, mais aussi leur indigence à se mouvoir sur le terrain du débat d’idées et de l’argumentation…
Ce corps, dont les meurtrissures soulèvent au plus haut point l’indignation et la compassion des Congolais, est celui d’un jeune homme qui a été enlevé, quelques jours auparavant, le 11 mai, par des hommes en armes et cagoulés, devant sa femme et ses trois enfants en bas âge, puis séquestré pendant 10 jours.
Ce corps est celui d’un jeune homme aimant son pays et le clamant avec ardeur, dont la femme, inquiète, redoutant le pire, a lancé urbi et orbi un cri d’alarme dans les réseaux sociaux pour retrouver son mari. Ce corps est celui d’un père dont les enfants, innocents, dans un silence épais, l’ont attendu chaque soir mais en vain, et qui revient décharné, avili. Ce corps trituré à l’envie, dans une sorte de jouissance macabre, par ses bourreaux, est celui de Lassy Mbouity. Confiant en la capacité de ses compatriotes de s’affranchir de tout dogmatisme, de toute subjectivité tirant le pays par le bas, d’être capables de tolérance, Lassy Mbouity s’est engagé corps et âme au plan politique, dans un parti de l’opposition, afin d’apporter sa contribution à l’édification de son pays. Que peut-on lui reprocher à cet égard ! Mais face à son engagement s’est dressée l’intolérance d’un groupuscule, replié sur lui-même, substituant les adversaires politiques en ennemis, le dialogue démocratique à l’écrasement de l’Autre, et faisant preuve d’autisme aux cris de détresse et à la misère criarde de la population.
Voguant à contre-courant de l’Histoire, répugnant toute différence d’opinions, hostile à l’identité citoyenne et à la pacification de l’espace politique permettant le remembrement du tissu national et la construction d’un substrat commun, ce groupuscule, s’obstine à distribuer frustration, division, angoisse, peur, sang et larmes comme vision du monde. Face à cette accointance de l’abject et du cynisme, de la persécution et de l’intimidation, l’intelligence collective des Congolais y est instamment convoquée, d’autant que le corps souillé de Lassy Mbouity est aussi le corps de tout Congolais. Quand règnent l’absurde et le mépris de la différence, nul n’est à l’abri d’une violence similaire pour une raison ou un prétexte quelconque. Pour la quiétude des Congolais et leur soif irrépressible de paix, mais aussi afin d’éviter la banalisation de ce genre de pratique, les auteurs de cette barbarie sur doivent être retrouvés et punis conséquemment.
Le temps change, le monde change, mais les adeptes de l’inertie, les prometteurs des logiques de régression, de la violence et de l’anéantissement de l’Autre, sont rétifs au changement, à la cohésion nationale et l’éclosion d’une conscience commune. Quoi qu’il en soit, de même qu’on ne peut arrêter la mer avec ses bras, de même le rouleau compresseur du temps s’imposera à eux inéluctablement. Nul n’a vaincu ni le temps ni la détermination des peuples pour la Justice et l’Équité…
Gilbert GOMA
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