
Entre Moscou et Paris avec son instabilité idéologique légendaire, le président Sassou semble avoir inventé au-delà de la roulette russe, la pirouette congolaise.
BM
Il faut du talent, ou un certain cynisme politique, pour dénoncer à Moscou l’arrogance historique de la France, accusée d’avoir effacé le rôle de la Russie et de l’Afrique dans la Seconde Guerre mondiale, puis, moins d’un mois plus tard, se présenter tout sourire à l’Élysée. Ce vendredi 23 mai 2025, Denis SASSOU N’GUESSO était reçu officiellement par Emmanuel Macron, dans une mise en scène qui contraste violemment avec ses propos tenus à Moscou.
Ce ballet diplomatique, où les principes sont jetés aux oubliettes dès que l’intérêt personnel le commande, n’est pas seulement une curiosité politique, il illustre une instabilité idéologique devenue marque de fabrique. Une instabilité qui, à défaut de servir les intérêts du Congo, expose au grand jour les limites d’un régime à bout de souffle.
En multipliant les clins d’œil à Moscou tout en se rendant à Paris, Sassou N’Guesso semble surtout chercher à instrumentaliser ses relations internationales pour obtenir, auprès de Macron, un assouplissement du dossier des biens mal acquis, dans un chantage diplomatique à peine voilé.
Mais cependant, trois variables essentielles semblent avoir été totalement ignorées par le cercle rapproché de Sassou au palais de l’amitié ou par la cheffe actuelle de la diplomatie congolaise, Françoise Joly
- La Russie observe.
L’implication directe de la France en Ukraine a profondément détérioré ses relations avec Moscou. Toute tentative de double jeu est repérée, enregistrée, et peut être lourdement sanctionnée sur le plan diplomatique.
- L’économie congolaise est à
genoux.
En quête d’oxygène financier, Brazzaville croit pouvoir monnayer sa proximité avec la Russie. Mais Paris dispose d’un levier majeur, son influence auprès des bailleurs internationaux.
- L’adoubement électoral.
Comme à chaque échéance, la France est sollicitée, explicitement ou non, pour légitimer la reconduction du régime en place. Cette fois, l’ambiguïté diplomatique pourrait bien perturber ce vieux rituel.
En ignorant ces éléments, Sassou et ses conseillers risquent d’enfermer le pays dans une impasse diplomatique, en se coupant simultanément de Moscou et de Paris. Ce jeu de dupes, où l’on sacrifie la cohérence à la survie politique, est périlleux pour un pays en quête de stabilité.
L’opposition congolaise, quant à elle, semble plus préoccupée par une quête d’alternance simpliste, oscillant entre prières et attentes de circonstances hasardeuses, que par un affrontement structuré avec le régime sur ses failles géopolitiques et diplomatiques. Trop souvent accusée de « manger sur la main » de Sassou, elle privilégie des compromis dignes des règlements coutumiers du Mbongui plutôt qu’une offensive politique courageuse.
Alors que la situation géopolitique et économique du Congo se complique, le Président Denis Sassou N’Guesso se trouve aujourd’hui dans une impasse tant diplomatique qu’économique. Le régime qu’il incarne, déjà fragile, se maintient uniquement grâce à des stratégies de survie qui, à force de pirouettes, révèlent sa vulnérabilité. Tel une araignée prise dans ses propres filets, le régime est désormais incapable de sortir indemne de ses contradictions internes.
Ses proches, ces fidèles plus intéressés par l’enrichissement personnel que par le bon fonctionnement de l’État, ont développé des compétences bien plus efficaces pour dévaliser le pays que pour le gérer. Loin de contribuer à l’essor du Congo, ce système de prédation a creusé l’écart entre les richesses du pouvoir et la misère du peuple. Sassou, dans ce contexte, n’a d’autre choix que de multiplier les pirouettes diplomatiques pour tenter de sauver un régime qui ne peut plus être sauvé.
Conséquence de tout ceci, le pays est pris en étau entre des intérêts internes et externes somme toute contradictoires, ce qui semble condamner le pays à s’enfoncer davantage dans la crise. Si ce n’était déjà fait, l’histoire retiendra que tous les rendez-vous manqués du pays avec son propre destin, tous les virages ratés sous ce régime, finiront par rendre son départ inévitable, voire plus brutal. Car plus il tarde à se réformer, plus l’issue sera sauvage, et l’histoire jugera sans merci ceux qui ont sacrifié le pays pour maintenir une illusion de pouvoir.
Alors, quel avenir pour le peuple congolais, si ses gouvernants manipulent sans cap, et si ses opposants manquent de vision ?
Les enchanteurs du pouvoir diront sûrement le contraire de la grande parade de l’Élysée, mais cela ne changera rien à la réalité d’un régime à bout de souffle.
BM