ALLIANCE POUR LA REPUBLIQUE ET LA DEMOCRATIE
A.R.D
1333, rue Mouleké bis Ouenzé Brazzaville
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Tribune

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La chasse à l’homme déclenchée par la DGSP :
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le point de vue de l’ARD.

Mathias DZON
Au moment où en France, Robert Badinter, Professeur de Droit, ancien ministre de la justice et promoteur de la loi culte portant abolition de la peine de mort est porté au Panthéon, en reconnaissance de son amour ardent pour la vie humaine et de sa
défense acharnée de l’Etat de droit, au Congo-Brazzaville, la Direction Générale de la Sécurité Présidentielle (DGSP) lance une vaste chasse à l’homme et arrache à l’affection de leurs familles, de nombreux jeunes, soupçonnés à tort ou à raison d’appartenir au groupe criminel des Bébés noirs, ce, à partir parfois d’une simple
délation, obtenue contre espèces sonnantes et trébuchantes (500.000F CFA pour les chefs de gang ; 100.000 F CFA pour leurs ouailles).
Loin de nous, toute idée de défendre sous quelque angle que ce soit, les Bébés noirs, ces bandits de grands chemins qui sèment la terreur et la désolation dans nos villes et qui donnent quotidiennement la mort à de paisibles citoyens congolais. A
preuve, dans une lettre ouverte au président de la République, datée du 2 juillet 2025, nous écrivions à propos des groupes criminels :
(…) Aujourd’hui, l’insécurité est partout. Des groupes criminels, tels les Bébés noirs et les milices privées sèment la terreur et la désolation dans les villes, particulièrement à Pointe- Noire et à Brazzaville, en commettant des braquages de domiciles privés, des agressions physiques sur de paisibles citoyens, des violences politiques contre tous ceux qui osent dénoncer les méfaits du pouvoir actuel. On se croirait à Haïti aux temps des « Tontons
Makouts ou Bébés doc », milices privées sanguinaires du dictateur Duvalier (…).
En guise de solutions concrètes à l’explosion exponentielle de l’insécurité dans le pays, nous demandions instamment au pouvoir de dissoudre les groupes criminels (Américains, Arabes, Africains fâchés, Koulounas), toutes les polices politiques, toutes les milices privées et toutes les écuries rattachées à certains officiers des
FAC. C’est dire que nous condamnons sans ambages les crimes abominables commis par les Bébés noirs.
Cependant, pour l’ARD, farouchement attachée aux principes cardinaux de l’Etat de droit, là où l’arbitraire se répand, défendre l’Etat de droit est un impératif catégorique pour tout démocrate vrai. En effet, le Congo-Brazzaville n’est ni une jungle, ni un Etat
de nature, c’est-à-dire, un Etat sauvage. Il se donne à voir officiellement comme un Etat de droit. A ce sujet, l’article 1 er de la Constitution du 25 octobre 2015 dispose :
« La République du Congo est un Etat de droit ». Or, par principe, un Etat de droit renvoie au règne de la loi. On le sait, dans un Etat de droit, tout se fait conformément à la Constitution, aux lois et règlements en vigueur et la justice s’exécute dans toutes
les circonstances. L’Etat ne peut et ne doit pas se comporter comme un vulgaire barbare. Quelles que soient les circonstances, il est tenu au respect rigoureux de la Constitution, des lois et règlements en vigueur.
Pour l’ARD, le mode opératoire utilisé par la DGSP pour prétendument éradiquer le phénomène des Bébés noirs est une atteinte très grave à l’Etat de droit, car, dans notre pays, il existe des outils constitutionnels pour lutter efficacement contre les violences criminelles. A cet égard, l’article 8 stipule : « La personne humaine est sacrée et a droit à la vie. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger …
La peine de mort est abolie ». Quant à l’article 20 de la Constitution, il prescrit :
« Le domicile est inviolable. Il ne peut être ordonné de perquisition que dans les formes et les conditions prévues par la loi ». Dans le même esprit, l’article 50 dispose : « Tout citoyen a le devoir de se conformer à la Constitution, aux lois et règlements de la République et de s’acquitter de ses obligations envers
l’Etat et la société ». Nul n’est au- dessus de la loi.
Or, en violation fragrante des articles 1 er , 8, 20 et 50 de la Constitution congolaise et de tous les textes internationaux pertinents relatifs aux droits humains, dûment ratifiés par notre pays, notamment la Convention internationale contre la torture, les
traitements inhumains et dégradants, la DGSP tue la vie humaine, viole et détruit les domiciles privés des parents des Bébés noirs – ou supposés tels, brûle les taxis-motos, traumatise les populations en général, les enfants en particulier.
Ces actes, contraires aux valeurs de l’Etat de droit ont entouré l’opération de la DGSP d’un climat de réprobation, ce, d’autant plus que l’opération actuelle de traque des Bébés noirs n’est encadrée par aucun texte juridique officiellement assumé et publié au journal officiel comme l’exige la législation en vigueur. De plus, elle n’indique pas sa durée. Par ces motifs, elle s’apparente à un Etat d’urgence qui ne dit pas son nom.
Pour l’ARD, à des vrais problèmes, il ne faut pas apporter de fausses solutions. Le phénomène des Bébés noirs est un vrai problème de société au Congo-Brazzaville. Il ne date pas d’aujourd’hui. Il a des causes multidimensionnelles et appelle des réponses plurielles et non pas uniquement sécuritaires. Il tire ses racines dans des
causes politiques, économiques, sociales, éthiques, psychologiques et culturelles.
Pour l’éradiquer, il faut apporter des solutions fortes et adaptées à chacune de ses causes, car, pour guérir un mal il faut l’attaquer à sa racine.
Dans cette perspective, il est urgentissime de mettre en place une Commission ad hoc pluridisciplinaire, composée de représentants des ministères de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice, de l’Education nationale, de la jeunesse, du travail et de l’emploi, des loisirs, etc. Cette Commission aura entre autres missions de :
– Retracer l’origine de ce phénomène inédit dans notre pays ;
– Identifier au moyen d’enquêtes approfondies et impartiales, ses acteurs, ses mentors ou commanditaires et ses modes opératoires ;
– Définir les causes du développement de ce phénomène et proposer pour chaque cause des solutions appropriées.
Pour nous, l’éradication du phénomène des Bébés noirs passe obligatoirement par la prise en charge réelle des problèmes de la jeunesse, problèmes qui ont pour noms :
l’éducation, l’apprentissage, la formation professionnelle, l’emploi, le logement, la santé, les loisirs sains, l’instruction morale et civique, l’insertion sociale. Cette prise en charge réelle des problèmes de la jeunesse nécessite en amont la mise en œuvre d’une véritable politique de la jeunesse, car, l’ignorance, l’analphabétisme, l’oisiveté, le chômage, la misère, la crise des valeurs morales et
l’influence nocive de la société sont les principales causes du phénomène des Bébés noirs. C’est à ces maux colossaux qu’il faut s’attaquer résolument, pour construire une société congolaise nouvelle, plus juste, plus humaine et plus vivable.
Fait à Brazzaville, le 10 octobre 2025
Pour la Conférence des présidents,
Mathias DZON

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