Justice congolaise : de la méritocratie à la parentocratie et la médiocratie ainsi qu’à la zombification
Ghys Fortuné BEMBA DOMBE
Avec le décès de Charles Emile Apesse, un voile noir recouvre désormais la fonction justice de son épais et ténébreux manteau. Tapis dans l’ombre, les sicaires jubilent de cette victoire sur une lumière vive désormais éteinte. Pour combien de temps encore ? Décryptage.
Dans l’œuvre au noir, les opérations caractéristiques de calcination, de putréfaction, de dissolution et enfin de séparation préparent à la régénération. En entrant dans cette douce nuit, Charles Emile Apesse (CEA) emmène avec lui nos paroles de force et de vigueur, tel un Phénix, pour les faire renaître à l’orient éternel, dans un lien éternel. La chaîne ne peut se rompre, sauf dans le souvenir.
Quand le temps judiciaire s’allonge à l’infini
Il y a 65 ans, la République naissante apportait avec elle les premiers enfants de sa justice, avec entre autres : Jacques Opangault, nommé ministre d’État dans le gouvernement de Fulbert Youlou, assumant les fonctions de Garde des Sceaux et ministre de la Justice en 1960 ; Lazare Matsocota, magistrat, maîtrise en droit, nommé procureur de la République ; Joseph Pouabou, titulaire d’une maîtrise en droit, major de promotion à l’université Panthéon-Sorbonne, nommé président de la Cour suprême (décret n°62-116 du 20 avril 1962) ; Auguste-Roch Gandzadi, magistrat, docteur en droit, diplômé d’études supérieures de droit privé et de sciences criminelles, nommé Procureur Général près la Cour d’Appel et la Cour Suprême (décret n°64-286 du 3 septembre 1964) ; etc. Dans le même temps, le 8 novembre 1964, M. Henri Bouka était élu au conseil local de la Confédération Syndicale Congolaise à Makoua, sous les auspices de Julien Boukambou (CGAT), Maurice Ognamy (CCSL), Antoine Mouloki (CF)… puis par décret n°80-167 du 12 avril 1980 portant intégration dans la magistrature congolaise, il est intégré comme magistrat. De 1980 à 2025, 45 ans se sont écoulés. Si on remonte plus haut… 2025-1964 = 61 ans ont passé. S’il était mineur émancipé (pour diminuer le temps) cela fait 61 ans + 15 ans = 76 ans au minimum à la date présente. Étonnant qu’il ait eu le culot de taxer ses anciens de « vieux ». CEA lui n’avait que 70 ans à son départ.
Pour tous les illustres anciens, comme Gaston Yoyo, magistrat, directeur de cabinet du ministre de la justice en 1964 ou encore André Mouellé, Aimé-Emmanuel Yoka et Richard Mayama (décret n°69-92 du 26 février 1969 portant intégration de ces derniers comme magistrats), l’exercice de la profession aura toujours suivi les règles. Cependant, depuis les lois de Justice populaire et leur libéralisation en 1989, c’est une profusion d’auditeurs de justice sans qualité expresse qui ont déferlé sur le métier. L’appât des salaires au sortir de la guerre à accélérer la dégradation, qui s’est doublée d’une faillite académique à l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM).
En 2007, alors fraîchement nommé Ministre des Finances et du Budget, M. Pacifique Issoibeka, épouvanté par la médiocrité des fameux inspecteurs aux finances, impôts et douanes sortis de l’ENAM avait pris la décision de fermer par arrêté ces filières frauduleuses. En 2002, Gilbert Ondongo fait ministre par le concours de Jean Claude Ngakosso via Edith Lucie Bongo, amorce la destruction du Congo après avoir promu des Mbochi d’Owando à des postes clés de la SNE. En 2009, il lève l’arrêté sans audit ni évaluation, pour récupérer ses « cas » placés par la suite au Trésor Public, à la DGID et la DGDD afin de bien se faire des poches et préparer son accession à la tête du pays comme il a toujours promis ou c’est lui ou c’est Jean Jacques Bouya avec croix de transmission dans des dossiers mafieuses, sa sœur, assistante de Bouya.
L’ENAM, en tant qu’école de formation professionnelle n’a, en suivant le principe juridique strict, aucune autorisation académique à délivrer des diplômes universitaires comme c’est devenu le cas. L’audit réalisé par le projet PRISP de la Banque mondiale en 2020 a révélé des pratiques mafieuses et d’influence d’une gravité sans précédent. Cette situation se réfléchit sur l’architecture institutionnelle de l’ensemble de la république : le Conseil constitutionnel et la Cour des Comptes et de Discipline Budgétaire (CCDB) devraient être supprimés et réintégrés comme Chambres de la Cour Suprême, comme aux USA, au Canada, etc. Les injonctions de la Banque mondiale et du FMI ont créé des distorsions institutionnelles monstrueuses que le Congo porte comme des fardeaux inutilement.
L’inexistence d’une agence juridique du ministère des finances et du budget fait que le contentieux juridique de l’État est traité par des cabinets d’avocats et des conseillers juridiques faibles tels que, Antonin Mokoko Wilfrid Bininga, Claude Coelho et Cie qui ont eu la charge des dossiers de la société Commisimpex, de l’entreprise minière Sundance Resources, de l’affaire dite des “Biens mal acquis”, du Falcon 7X, des affaires Berrebi, AOG Addax, ECAir, etc. Avec des dépenses extravagantes en frais de voyage business class et d’hôtellerie, ainsi que des honoraires prohibitifs. Une partie de ces coûts n’a d’ailleurs toujours pas été réglée et une autre est suspectée par la CID d’avoir pu servir à des rétro commissions. Ces protégés de Florent Ntsiba et Gilbert Ondongo semblent intouchables. Pour l’instant seulement.
La zombification de la justice
Le cumul des fonctions de Premier Président de la Cour Suprême, de Président de la Haute Cour de Justice, de Président de la Commission électorale nationale indépendante (CNEI), de Vice-Président du Conseil Supérieur de la Magistrature soulève la question de l’hubris du pouvoir. Surtout quand on est ordonnateur indépendant de ces budgets, partant du doublement au quadruple des prix d’actes du greffe (casiers judiciaires, certificats de nationalité, décisions judiciaires, etc.) qui font entrer des millions de francs CFA jamais redistribués par exemple pour l’accès à l’aide juridictionnelle des plus démunis. Les rétrogradations récentes de Ekoundzola Christian, Iwandza Didier Narcisse ou Mviboudoulou Simon, ou mieux, les radiations de Oniangué Michel, procureur général près la Cour d’appel de Brazzaville ; Bassenga Fiellot T’ov Fresnay, président de chambre au TGI de Brazzaville au moment des faits; Koubaka Lucette Berthe, juge d’instruction au TGI de Dolisie; Colonel Zekakany Thomas J. Chrisostome, procureur de la République adjoint près le TGI de Pointe-Noire; Mouanda Massende José Bosco, substitut du procureur général près la Cour d’appel de Brazzaville; Ebilika Gervais, doyen des juges d’instruction au TGI de Pointe-Noire; Boliban Serge Audrey, conseiller à la Cour d’appel de Pointe-Noire; Nzanguele Ngoumba Mayeul, procureur de la République près le TGI de Kinkala; Nzoussi Ferdinand, conseiller à la Cour d’appel de Pointe-Noire, président de chambre à ladite Cour au moment des faits, démontrent la perfidie du système en place. Loin d’être les seuls, ils n’auront jamais bénéficié de la même mansuétude que les protégés du système comme Tsibi Stéphanie, procureure de la république et nombre des magistrats bombardés à des fonctions judiciaires sans expérience (nous y reviendrons)
Au regard de l’importante liste des magistrats radiés ou sanctionnés en république du Congo, il se pose un réel problème d’accès au métier de magistrat. De quoi se demander si une sélection sérieuse se fait toujours dans les filières de magistrature quand on voit comment les résultats du concours d’entrée à l’ENAM sont rendus à travers les réseaux sociaux. La pléthore actuelle de magistrats sans fonction souligne davantage les distorsions du système. Aujourd’hui, des étudiants sortis de l’ESGAE et d’autres écoles sont nommés aux hautes fonctions dans les cours et tribunaux du Congo ainsi qu’à la CCDB sans aucune difficulté et sans avoir jamais fait du droit de haut niveau. Les seuls enseignants-chercheurs de niveau maître de conférences agrégés (MCA) ou Professeur Titulaire (PT) reconnus au CAMES en droit sont : Daphtone Jospin Lekebe Omouali (MCA A droit privé) ; Aubrey Sidney Adoua-Mbongo (MCA Droit public) ; Delphine Édith Emmanuel Adouki (PT Droit public) ; Placide Moudoudou (MCA Droit public) et Godefroid Moyen (MC Droit Public). Ils ont très rarement été associés dans les conseils supérieurs et autres institutions judiciaires alors que cela devrait être systématique. Les autres comme Bininga et Cie sont passés Maître-assistant pendant qu’ils étaient dans leurs fonctions de ministre, suscitant l’ire du CAMES en méprisant les règles de bonne conduite !
Apesse s’en va vers l’au-delà,
Jour de tristesse, jour de larmes,
“Dies iræ, dies illa…”
À son départ, chacun se voile,
Et la trompette, sonnant déjà, le réveil en nous
Le Héros que l’on admire, et que le souvenir inspire !
Juge de majesté et de bonté, qu’au jour du jugement dernier, qu’il puisse être appelé parmi les bienheureux, puisqu’il t’a donné sa vie.
C’est ainsi que s’écrit l’adieu fervent
Au souvenir d’un cœur vaillant
Que Dieu t’accueille en son royaume, Charles Emile Apesse,
Et que pour toi un doux repos sonne.
Charles Émile Apesse et Christian Oba
vous ne tomberez pas dans l’oubli en bravant les officiers généraux de la force publique et les méchants pour me faire partir de Brazzaville un 27/10/2018 tout en me conseillant à la prudence surtout aux femmes et à la non vengeance.
Comme à su le dire Alexis Vincent Gomez(AVG) dans son hommage à Villetaneuve ce 17/03/25,0 ” Charles, que ta mort, renforce au Congo, la paix, l’unité, l’amour et la force du travail, valeurs qui te caractérisaient depuis que nous grandissons à Poto poto jusqu’à ton élévation aux hautes fonctions par le ministre Mariotti Ouabari et le président Denis Sassou Nguesso. “. Espérons aussi que la mise en garde faite par AVG aux familles notamment les femmes qui maltraitent les veuves ne tomberont pas dans les oreilles des sourds.
Ghys Fortuné BEMBA DOMBE