Proposition onusienne à Denis Sassou Nguesso : partira… ou ne partira pas ?

Serge Armand Zanzala

La récente proposition des Nations unies à Denis Sassou Nguesso de prendre la tête d’une nouvelle institution internationale chargée de la gestion des trois grands bassins forestiers tropicaux de la planète — Amazonie, Congo, Bornéo-Mékong — suscite un vif débat, tant à Brazzaville qu’au sein des cercles diplomatiques.
L’initiative, qui pourrait ouvrir la voie à une sortie négociée du pouvoir pour l’actuel chef d’État congolais, ne laisse personne indifférent.
Les partisans du statu quo à l’offensive
Dans les coulisses du pouvoir, la réaction est presque unanime : convaincre Denis Sassou Nguesso de rester. En réalité, c’est la disparition de la caste politique en formation au Congo qu’ils craignent. La plupart des enfants des dignitaires sont déjà préparés à remplacer leurs parents dans les hautes fonctions politiques, prolongeant ainsi le système actuel.
Les prétendants au trône, engagés dans une succession dynastique informelle, ainsi que les bénéficiaires directs du régime, redoublent d’efforts pour étouffer l’idée même d’un départ.
Une crainte majeure se profile : la disparition du Parti congolais du travail (PCT), colonne vertébrale du pouvoir, et la perspective de voir ses cadres poursuivis ou victimes de règlements de comptes politiques. Pour ce cercle restreint, le départ du président équivaudrait à ouvrir la boîte de Pandore.
Pourtant, cette situation pourrait offrir la meilleure occasion de solder tous les contentieux. La voie la plus honorable et la plus constructive passerait par l’organisation d’une Conférence nationale souveraine ou d’un Dialogue inclusif, afin d’instaurer un cadre légal et apaisé de transition.
Un enjeu qui dépasse les frontières
Sur la scène internationale, les premiers échos diplomatiques confirment que la proposition est prise au sérieux. Comme nous l’avions déjà évoqué dans notre article Après “Bye Bye Sassou Nguesso ?”, plusieurs capitales considèrent qu’une telle nomination pourrait constituer une sortie honorable, à même d’apaiser les tensions internes au Congo.
Des diplomates affirment, sous couvert d’anonymat, que la gestion des grands bassins forestiers tropicaux est un enjeu environnemental stratégique, mais aussi un prétexte diplomatique pour engager un processus de transition politique douce.
Et les Congolais dans tout ça ?
Nous estimons que cette affaire ne doit pas rester confinée aux salons feutrés de la diplomatie ou aux cercles restreints du pouvoir. Les Congolais devraient s’en emparer et soutenir l’initiative portée par la société civile.
En effet, sous l’impulsion de Daldy Rustichel Youbou, représentant permanent de la société civile et de la diaspora congolaise auprès des Nations Unies, un accord politique inédit aurait été négocié avec le Secrétariat général de l’ONU pour offrir au président Denis Sassou Nguesso une sortie
« honorable » de la vie politique nationale.
Caricatures, slogans, campagnes citoyennes : autant d’outils pour stimuler une prise de conscience collective et forcer la discussion sur l’avenir du pays.
L’histoire montre que les transitions les plus réussies sont celles qui sont accompagnées et surveillées par la société civile. Sans une telle mobilisation, le risque est grand que cette opportunité se transforme en simple manœuvre politique, sans impact réel pour la démocratie congolaise.
Les conséquences possibles d’un refus par Denis Sassou Nguesso
Sur le plan national :
Poursuite de la polarisation politique et du blocage institutionnel.
Renforcement des tensions sociales et risque d’explosions populaires.
Dégradation accrue des conditions économiques et sociales.
Radicalisation d’une partie de l’opposition et montée d’actes de contestation violente.
Risque de règlements de comptes hors de tout cadre légal en cas de transition forcée.
Sur le plan international :
Perte d’une occasion de sortir par la grande porte, avec un rôle prestigieux à l’international.
Isolement progressif du régime et diminution des soutiens diplomatiques.
Éventuelles sanctions ciblées ou restrictions économiques imposées par certains États ou institutions.
Image écornée dans les négociations environnementales mondiales, notamment dans le cadre de la gestion des forêts tropicales.
Déplacement de la pression diplomatique vers des mesures plus coercitives.
Conclusion : un moment charnière
La proposition onusienne à Denis Sassou Nguesso ouvre une brèche inédite dans un paysage politique figé depuis des décennies.
Reste à savoir si cette ouverture conduira à un nouveau chapitre de l’histoire congolaise ou si elle ne sera qu’un épisode de plus dans l’art consommé du pouvoir à prolonger son règne.
Une chose est sûre : l’avenir ne se décidera pas uniquement à New York ou à Brazzaville, mais aussi dans la rue, sur les réseaux et dans l’opinion publique congolaise.
Serge Armand Zanzala, Écrivain, chercheur, citoyen engagé, Directeur de La Société Littéraire, Initiateur du projet Kongo Ya Sika

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