
Congo : entre dilution des compétences, confusion institutionnelle et imbroglio au conseil des ministres et supérieur de la magistrature, à la CCDB et dans l’affermage d’E2C
Ghys Fortuné BEMBA DOMBE
Dans la confusion qui règne dans différentes administrations publiques congolaises, la convocation d’un conseil des ministres se profile d’urgence à Oyo sur l’affaire E2C, au même moment, Anatole Collinet Makosso (ACM) publie une lettre de reconnaissance au président de la république qui lui a fait confiance et l’honneur de le nommer premier ministre. En attendant, le président de la Cour suprême, Henri Bouka a été rappelé en urgence de Paris.
A Brazzaville, les pratiques observées dans la gestion quotidienne relèvent une grave confusion entre la Présidence, la Primature, les ministères, les Cours et Tribunaux et même les prestataires. Le fait que le ministre des Finances abroge une note de service émanant du Premier ministre est la preuve qui brise la logique hiérarchique et révèle un désordre institutionnel dans la répartition des compétences. Cette situation fragilise la souveraineté administrative de l’État et expose son action à la contestation. Il ne s’agit plus d’un simple problème juridique, mais d’une affaire d’État. Car, la dilution de l’autorité et l’affaissement des normes ouvrent la voie à une gestion publique volatile, propice aux conflits, aux influences privées et à la corruption. En dernière instance, c’est la légitimité de l’administration qui s’effondre, perçue comme opaque, instable, et désorganisée.
Le cas d’innombrables nominations irrégulières des collaborateurs des ministres par des « notes de service ». Pour exemple, un « Directeur de cabinet » n’a strictement aucun pouvoir de nomination. Il ne peut même pas agir par « délégation » car il n’est nommé que par Note de service, contrairement aux directeurs généraux nommés en conseil des ministres ou aux directeurs centraux, nommés par le Premier ministre « sur proposition » de leurs supérieurs hiérarchiques en principe. De même, dans un ministère qui dispose d’un Secrétaire général, un Directeur général ne peut pas signer une note d’affectation, comme cela a été récemment le cas au ministère de la justice et des droits humains. Ceci explique, par exemple, la folie rédhibitoire de M. Guénolé Koumou Mbongo, directeur général des douanes et des droits indirects (DGDDI), qui, dans le même temps et dans la note de service n°0088/MFBPP/DGDDI/DRH du 22 avril 2025, intitulé : « Résultats du test » ( ?), devient « Président du Jury » ( ?) en se faisant assister d’un « représentant du MFBPP » ( ?) et d’un « rapporteur ». Ce cas porte la confusion à son paroxysme. Rien n’est juste dans ce véritable salmigondis. La liste des reçus, classée par rang de mérite, ne précise même pas leurs numéros matricule et rattachement à la DGDDI condition sine qua non pour participer à ce pseudo concours qui s’assimile à une sélection tribale des ” Mbochi “.
Des conseils des ministres et judiciaires
Aussitôt rentré de la Russie, M. Sassou a rappelé en urgence le président de la Cour suprême, Henri Bouka qui n’a passé que 24h00 à Paris avant de repartir ce 12/05/25. La cause de ce rappel est le flou existant dans des dossiers qui seront planchés au Conseil supérieur de la magistrature et la révision de la convention de la coopération juridique avec la France. Plus grave encore est l’affaire de la Cour des comptes et de discipline budgétaire où tout est au ralenti.
Enfin, M. Sassou va trancher en Conseil des ministres sur la convention d’affermage entre le Senelec et le gouvernement congolais qui vient de connaître des avenants. Dans cette affaire, on évoque une plainte de mandataire qui devrait lever les fonds. Mais bien avant cela, ACM a publié un texte que certains qualifient de reconnaissance à son mentor, d’autres, un texte qui à l’air d’une envolée courtisane, avec des relents flatteurs.
L’exigence d’un réarmement juridique de la gouvernance
Beaucoup de ratés sont constatés au Congo à cause du clanisme. Il est impératif que l’État revienne à une gouvernance fondée sur le droit qui suppose :
- l’interdiction explicite du recours aux notes de service pour des décisions normatives ou institutionnelles ;
- la publication systématique des décrets de nomination, condition de leur opposabilité ;
- la clarification des compétences entre les organes exécutifs par décret organique ;
- la formation continue des décideurs publics aux règles fondamentales du droit administratif à l’ENAM ;
- la nomination des technocrates et non des militants ou les membres du clan aux fonctions administratives comme c’est le cas aujourd’hui.
À défaut de telles réformes, le Congo restera prisonnier d’une zone grise administrative où le droit est instrumentalisé et l’autorité affaiblie. Le redressement de la légalité est donc impératif. Sans quoi, c’est l’idée même d’État de droit qui s’éteindra.
Ghys Fortuné BEMBA DOMBE