Dérive sécuritaire et exécutions sommaires : les généraux Sassou, Oboa et Boka en difficulté

Ghys Fortune BEMBA DOMBE
*En procédant aux exécutions sommaires des « kulunas », l’action de la DGSP et de la GR quoiqu’applaudie par 83% des congolais ou salutaire pour « raison d’État », met M. Sassou en porte à faux avec la Constitution congolaise de 2015, l’Etat de droit, les traités internationaux et une partie de l’opinion qui est apeurée.*
Selon l’article 8 de la Constitution : « La personne humaine est sacrée et a droit à la vie. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger. […]. La peine de mort est abolie. »
La sacralité de la vie et l’abolition de la peine de mort ainsi énoncées suscitent des interrogations sur le fondement juridique de l’opération menée par les éléments de la direction générale de la sécurité présidentielle (DGSP) et de la garde républicaine (GR) qui ont pour rôle respectivement, de protéger le président et sa famille ainsi que les institutions et leurs animateurs.
En effet, la DGSP et la GR se sont mises en mouvement comme des appareils de répression sans cadre légal incluant  la police et la gendarmerie. En principe et selon toute logique, l’armée n’intervient que pour faire face à une agression extérieure et détruire l’ennemi conformément à son propre protocole d’engagement qui établit de facto un régime d’exception juridique. Cette situation qui divise les populations entame de plus belle l’ordre juridique et ternit l’image du Congo à l’extérieur. S’agit-il de manière voilée, d’une opération visant à  étouffer les contestations du peuple martyrisé comme le disent moult personnes ? La réponse est oui et non.
Pour justifier, par exemple, sa gestion scabreuse par le passé, le système Sassou n’hésitait pas d’utiliser les ninjas de Pierre Oba, d’Isidore Mvouba et d’Adélaïde Moundélé Ngolo sous l’égide de Mantsanga et Cie pour faire le sale boulot dans le département du Pool et sur le Cfco. Il sied de dire que depuis un demi-siècle, au Congo, les revenus pétroliers irriguent un cercle restreint d’acteurs liés par le sang, l’alliance ou la dépendance, transformant ainsi l’État en guichet clanique. La nomination du général Serge Oboa(S.O) à la tête de la DGSP et sa parenté avec J.J. Bouya illustre cette logique : la sécurité présidentielle et l’infrastructure publique se trouvent sur l’axe le plus riche et le plus dangereux (…) que nous évoquions il y a une dizaine de jours. Selon nos informations, cette opération fait suite à un ème accrochage entre la police et la DGSP couplé à l’assassinat de Bruno Obambi. Le Commandant en chef Denis Sassou qui aime se cacher, a donné son quitus à Oboa et à Boka mais sans note officielle. Normalement, M. Sassou devrait prendre un décret envoyant la GR et la DGSP appuyées la gendarmerie et la police comme ça été fait :
– en 2022 en Colombie, le président qui avait déployé  la 8ème brigade de l’armée pour lutter contre les bandoleiros qui pillaient, rançonnaient et tuaient ;
–  en 2023 au Brésil par Lula Da Silva;
– Récemment au États Unis par Donald Trump,
– ou régulièrement en France par Macron et ses ministres qui annoncent officiellement les opérations de soutien à la police pour lutter contre le grand banditisme.
Dans cette opération, MM. Sassou, Oboa et Bouka utilisent la doctrine de Bandenbekämpfung, doctrine de terreur très violente d’extermination et de destruction institutionnalisée lors de la Seconde guerre mondiale, sous le régime nazi pour lutter contre les bandits et autres. Cette opération bien qu’elle soit la toute première action du quinquennat de M. Sassou est applaudit par 83% de la population qui a maille à partir avec les Kulunas. Cependant, les  exécutants de celle-ci tombent sous le coup de la loi et renvoient en l’air la présomption d’innocence. Ils situent le Congo, d’un côté, dans une administration hypertrophiée dans ses bras coercitifs mais atrophiés dans ses services. De l’autre côté, dans des règles écrites  substituées par des règles relationnelles à partir desquelles la parenté l’emporte sur le mérite et la proximité sur l’institution.
Le ministère de l’intérieur, la police, la gendarmerie et la justice sont court-circuités dans leurs missions et attributions par des réseaux parallèles où la loyauté clanique pèse davantage que la hiérarchie administrative. Nous l’avons déjà dit, le pouvoir se concentre dans le clan présidentiel, et l’autorité civile est rognée par une présidentialisation rampante de la sécurité.
Dans ce contexte, le communiqué de la DGSP, appelant la population à dénoncer les Kulunas contre primes sonnantes et trébuchantes, est la manifestation de cet accaparement . En s’adressant directement aux citoyens, reprécisons le, l’organe présidentiel écarte la police et la gendarmerie. En transformant la collaboration civique en transaction, il installe un régime de suspicion généralisée. La citoyenneté devient marchandisée, la solidarité convertie en opportunisme. Plus encore, la DGSP et la GR fabriquent l’ennemi dont elles ont besoin : le terme « Kulunas », importé de Kinshasa, englobe indistinctement gangs structurés, jeunes marginaux et parfois opposants politiques. Cette catégorisation floue légitime la répression et étend la compétence présidentielle à des domaines jadis dévolus à la justice ordinaire. ( la suite mardi avant de revenir sur le dossier Figa)
 Ghys Fortune BEMBA DOMBE

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