
Lettre Ouverte_/ 29.12.2024 à Monsieur Denis Sassou Nguesso Président de la République du Congo
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Lettre Ouverte_/ 29.12.2024
A
Monsieur Denis Sassou Nguesso
Président de la République du Congo
Palais de la Nation – Plateau-Ville./
– Brazzaville –
Par Wilfried D. KIVOUVOU
Monsieur le Président,
Il y a une douzaine d’années, j’attirais votre attention sur ce qui n’était encore qu’un présage, la secrète et irrépressible envie de vous situer orgueilleusement, en dehors du temps “démocratique” et à contre-courant de la dynamique de l’histoire. Ce fut en substance le sens de ma démarche, par cette lettre que je vous adressais alors.
Non sans mal, car il aura fallu y sacrifier son lot de douleurs, de blessés et de morts pour que passe la pilule, vous êtes parvenu à vos fins. Et vous voilà comme vous le vouliez, toujours au sommet de notre hiérarchie à présider, pour la énième année, aux destinées d’un pays qui n’en demandait pas tant.
A croire que, pour assouvir votre caprice jupitérien, la providence ne vous refuse rien, jusqu’aux pires sacrifices.
L’on se souviendra bien longtemps que pour faire le lit d’un tel désastre, vous ayez eu besoin de déployer tant de farouches expédients : propagande politicienne, rétorsion du droit, usage illégal et disproportionné de la force, stigmatisation, traque des voix dissonantes ; toutes ces exactions, dans le seul et unique but de changer pour votre confort, une constitution qui vous interdisait de briguer un nouveau mandat.
Ceci est du passé, allons-nous concéder !
Notre pays continue de s’abîmer, d’agoniser lentement sous votre férule. Le bilan de votre action publique est si mauvais que l’on s’étonne face aux défis de l’heure, devant le péril de la situation qui nous pend au nez, que la même énergie, les moyens et l’extraordinaire volonté herculéenne de puissance d’autrefois peine à refaire surface.
Monsieur le Président,
Il vous conviendra que la santé et la vie quotidienne de la population sont les seuls véritables indicateurs d’une action publique. La population du Congo, le pays dont vous êtes le Chef, manque de tout. Elle étouffe, elle doute, s’interroge, meurt en silence. Une partie, non moins négligeable, trouve refuge dans la seule réalité économique qui puisse exister, celle réduite à l’étiquette ingrate d’économie dite informelle, celle qu’aucune démarche sérieuse des pouvoirs publics ne prend en compte, celle qui, ironie du sort, sert bon gré mal gré de trappe à la pauvreté de masse. La misère est partout !
Votre erreur, s’il en est, c’est d’avoir concentré vos efforts sur les seuls enjeux politiciens du pouvoir, plutôt que d’investir dans les cerveaux des gens et avoir confiance en vos concitoyens ; les femmes, les hommes, les jeunes, acteurs des transformations possibles et souhaitables.
Un capital technique et intellectuel, doté d’une belle envie de faire et d’exceller, dévoué pour son pays, aurait trouvé réponses aux sempiternels problèmes de rareté de biens essentiels structurants tels que : l’eau courante, l’électricité de ville et des campagnes, le gaz, les biens alimentaires, et toutes autres nécessités.
Avec des têtes bien faites, le pays aurait acquis la maitrise des évènements face notamment, (i) aux vulnérabilités liées aux chocs extérieurs tels que la chute des prix de matières premières, la fluctuation des devises étrangères de référence, le décrochage des agrégats économiques, ceux en rapport avec le commerce et/ou la finance internationale, et (ii) à chaque fois, de trébucher devant le piège de la dette.
Le savoir et la connaissance sont l’antidote à la faiblesse des pays en panne de cerveaux, ces pays mal préparés à réagir de la meilleure façon lorsqu’apparaissent des crises, au demeurant inévitables.
C’est ce qu’est la résilience !
Monsieur le Président,
Il n’est de richesse que d’Homme.
Le seul Congo qui vaille, c’est celui qui offre des opportunités de réalisation et d’épanouissement pour tous, celui qui croit en son destin et est maître de ses ambitions ;
Le seul Congo qui vaille, c’est celui qui sait Inventer, Investir, Financer, Développer, Impulser des modèles d’enseignement, des systèmes de santé, un génie technologique des plus prometteurs que personne n’aurait cru concevable sous nos latitudes. C’est celui qui sait développer de la puissance ;
Le seul Congo qui vaille (la peine), c’est celui avec des congolais(es) confiant en leur avenir, considérant légitimement que leur vie aura été meilleure que celle de leurs parents, que celle de leurs enfants sera encore meilleure que la leur.
Monsieur le Président,
La première étape dans la résolution d’un problème est (déjà) de reconnaître qu’il existe.
Il faut changer son fusil d’épaule, et Parlez vrai à la Nation.
Parlez pour rassurer que le pays peut se relever de ses malaises chroniques et actuels. Dans une société de gens civilisés, il faut de la confiance entre les gouvernants et les gouvernés. Sans quoi, il n’y a point de légitimité. Notre Etat est en rupture de liens avec le peuple dit souverain. La République dégradée, méconnaissable et dévoyée, n’inspire plus confiance.
Parlez pour rassembler toutes les composantes de la Nations plus que jamais éparses et, suspicieuses les unes des autres. Cela consiste à rompre avec un tribalisme à l’œuvre dans la sphère publique et institutionnelle. Lequel tribalisme nourrit de macabres ou funestes desseins à venir.
Parlez pour annoncer la Paix véritable et sincère, la Sécurité, la Liberté, la Justice, l’Egalité pour Tous. Faites-le en prélude aux dialogues nécessaires et incontournables qui ouvrent les portes du futur. Le Peuple est prêt. Il faut lui en donner la chance.
Parlez pour mobiliser toutes les énergies qui manquent au pays. Ils sont nombreux à vouloir se mettre au service d’une ambition nationale, ils sont disséminés ici et là à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ils sont jeunes, patriotes, et déterminés. C’est un devoir pour Vous les ainés, vis-à-vis de Nous, vos cadets, que vous avez égoïstement privé du droit commun d’accès à l’ascenseur social, confisqué.
Parlez pour briser un tabou, celui de l’horizon politique de votre sortie de l’arène. Le temps passé au sommet de la hiérarchie de l’Etat est trop long, l’usure du pouvoir aidant, il figure parmi les facteurs, source de crispation et de risques de violences en perspective. Donner une chance au pays qui vous a tout donné, c’est lui permettre de se renouveler et ainsi, prendre un nouvel élan. Vous le lui devez !
Parlez et convoquez l’avenir à la table de la République, pour donner la force aux Mots ; des mots qui protègent des insécurités qui nous enlacent, des mots qui exorcisent de la hantise de nos démons toujours à l’affût, des mots qui soignent les plaies de notre existence trouble et tumultueuse, des mots qui apaisent les rancœurs au cœur d’un vivre-ensemble moribond, des mots qui réconcilient les enfants du pays, toute origine confondue, appelés à faire Nation, des mots qui éclairent.
Tout bien pesé.
Parlez enfin ! C’est peut-être votre dernière chance.
Haute considération !
Fait A Paris, le 28 novembre 2024,
Publiée, le 30 décembre 2024
Wilfried D. KIVOUVOU